Portrait : Thierry Arcaix enquête pour traquer l'âme de Figuerolles

« Figuerolles, c'est le quartier des oxymores ! Celui des incivilités solidaires, de l'agressivité complice, du rejet respectueux ou de la servilité rebelle... » Et comme nombre de natifs de ce faubourg populaire, qui ne peuvent oublier le goût et la saveur inimitables de leur enfance dans ce 'village gaulois' aux irréductibles figures - écoutez les anciens quand ils évoquent le père Bonnet, « l'abbé Pierre et les Restos du cœur réunis » -, Thierry Arcaix a reçu Figuerolles en héritage. Une dot haute en couleur et qui l'a nourri toute sa vie, sans qu'il le réalise d'emblée.

Rejeton de l'après-guerre, né en 1954, il est le produit « d'une famille typique de Figuerolles. Avec une maman très pieuse, qui faisait partie du groupe des femmes qui bossait avec le curé - le fameux père Coursindel d'abord, puis le père Bertrand qui s'occupait des Gitans - et de la kermesse, des fleurs pour les mariages, etc. » Un père communiste pur sucre et « membre actif de la CGT. D'ailleurs, en sa mémoire, ma mère a toujours voté coco. » Sans oublier l'oncle anarchiste, marqué par la guerre civile espagnole. « Tout le monde se retrouvait à table et débattait de ses idées, dans des atmosphères enfumées ! » Les discussions étaient enflammées « mais l'humour l'emportait toujours et personne ne partait fâché ».

Ses fonds de culottes courtes, il les use à la maternelle de la Sainte-Famille - institution qui a toujours pignon sur rue -, avant de gagner l'école primaire Saint-Denis, près du cours Gambetta, disparue aujourd'hui. « Il y avait un instit adoré de tous, M. Carayon, originaire de Saint-Drézéry, qui venait travailler avec sa Rosalie (une traction avant, NDLR). » Direction ensuite le CES Terrain Gély, là où se trouve l'actuel gymnase Ramel.

« Il a été créé dans les années 1960 et était dirigé par M. Vidal ; son épouse y enseignait l'histoire-géo. Ils étaient très autoritaires et on les surnommait le Papou et la Papoune. Il y avait aussi un prof de sciences, M. Caussidier, qui était une vraie célébrité et était surnommé Petit pois. Sans oublier, M. Cros, le prof de français, adoré de tous. » Surtout, le jeune homme d'alors se souvient de l'effet magique du collège : « Tout à coup, l'horizon s'élargissait car il y avait des enfants d'ailleurs, de Lepic et de la cité Astruc. Ça donnait une population mélangée, à l'image de la cité Gély à l'époque, avec ses Gitans, ses pieds-noirs et ses employés municipaux pistonnés ! Le climat pouvait être rude - la châtaigne y était servie chaude - mais c'était surtout bon enfant. » Dans les années 1970, le CES ferme ses portes au profit de Fontcarrade, « le quartier s'est rétréci alors, s'est recroquevillé ».

Thierry Arcaix, lui, déploie ses ailes. Il file au lycée Joffre, fait l'École normale et s'envole pour le Panama, comme coopérant, avant de retrouver les bancs de l'école... en tant qu'instit, au gré de multiples postes dans toute la région. « Le dernier, c'était à Saint-Mathieu-de-Tréviers. »

Fin 1990, il s'investit dans l'éducation populaire, s'acquoquine avec d'autres compères, comme Jean-Luc Lévêque, pour lancer le Printemps des bouses, à Vacquières, festival musical et citoyen qui trouve son public sans convaincre des édiles frileux (depuis, il a émigré à Octon). Las, un grave accident, en 2003, l'immobilise durant un an. « C'est là que mes racines se sont rappelées à moi et que je me suis rendu compte que toutes mes valeurs ou références étaient liées à Figuerolles. » Notre homme reprend alors ses études, impulse le renouveau de la Commune libre de Figuerolles, en 2005, avec l'inénarrable Kiki Martinez (maire toujours en exercice), anime la chronique dominicale Patrimoine de notre confrère L'Hérault du jour, se fend, l'an dernier, d'un opus iconoclaste et passionnant sur Montpellier, avant de se lancer dans ce vaste chantier : écrire l'histoire de son quartier.

Un travail de fin limier pour collecter indices et données, traquer la vérité et les faits. Et toucher du doigt, par-delà l'Histoire, l'âme d'un faubourg à nul autre pareil.



Diane PETITMANGIN

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