Thierry Arcaix

Communication, culture et patrimoine

FIGUEROLLES, LE CARREFOUR DES PATRIMOINES ®

Ecouter l'interview enregistrée à l'Eko des Garrigues en décembre 2011 à propos du livre : Figuerolles, un quartier de Montpellier :

  1. Présentation générale
    1. Figurez-vous...
    2. Hors les murs
    3. Les anciens Figuerolliens
    4. Le Papou et la Papoune
    5. L'histoire en marche
  2. Histoire du faubourg Figuerolles
    1. Le faubourg
    2. La ville consulaire
    3. La construction urbaine
    4. Les conflits religieux
    5. Les protestants à Figuerolles
    6. De l'artisanat à l'industrie
    7. Naissance d'une technopole
    8. Figuerolles au XIXéme
    9. 30 quartiers à Montpellier en 1910
    10. Les vies successives
    11. Les transformations
    12. Nouveau visage
    13. Artistes et bobos
    14. Bibliographie

1- Présentation générale

Un quartier dont l’histoire est au moins aussi ancienne que celle de Montpellier. En effet, la villa qui y a donné son nom pourrait être romaine, mais là ; rien n’est sûr. En tout cas, le passé est riche : 1 000 années d’aventures à découvrir.

histoire agricole

1-1 Figurez-vous...

C’est bien la figue et le figuier qui sont à l’origine du nom de notre quartier (voir Hamlin et Fabre). On en trouve trace sous le nom de Figairola dans le cartulaire de Maguelone en 1097. On sait qu’il y vécut une famille de ce nom au XIIéme siècle dont un descendant, Estore de Figuerolles était au XVIIIéme siècle propriétaire d’un mas situé après le faubourg sur la route de Lavérune. C’est là qu’habitèrent Necker, sa femme et sa fille, la future Mme de Staël, en 1785. .

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1-2 Hors les murs.

Imaginons donc notre faubourg au XIIéme siècle. Figuerolles, en dehors des fortifications de la ville, est entouré d’une palissade qui leur est parallèle : un fossé et une courtine de pieux. Longtemps, sa population est composée de paysans laboureurs qui louent leurs services aux riches domaines alentour. Il y a aussi de petits artisans, autour de l’activité viticole et de la fabrication/vente de fûts, d’outillage agricole. Ils constituent une corporation mal considérée par les autres corps de métiers qui affublent le quartier d’une mauvaise réputation. En 1771, le docteur Fouquet, de l’Académie de Montpellier,n’y va pas de main morte : « Les habitants des quartiers bas sont sujets aux fièvres, l’air y est plus stagnant, il s’y trouve mêlé de vapeurs que les vents du Sud chassent des bords de nos étangs ou de nos marais.  »

L’architecture ancienne du quartier est en deux parties : un bloc Daru/Salengro et un bloc quartier des saints/faubourg haut. Côté Daru/Salengro, ce sont des bâtis importants, à plusieurs étages, plus riches. Au rez-de-chaussée, la remise, utilisée aujourd’hui pour les activités commerciales, surmontée de un à trois niveaux d’habitations. Des jardins, des puits, des cours intérieures servaient à accueillir les animaux, les charrettes. Selon une recherche de l’école d’agriculture, en 1932, il y avait 20 vaches et un taureau dans le faubourg Figuerolles. Dans le quartier des saints et le faubourg haut, des maisons qui datent de la fin du XVIII° et du début du XIX°. Elles appartenaient à des petits paysans qui travaillaient les terres. Au rez-de-chaussée, une cave remise et au premier étage l’habitation. Parfois, un deuxième étage servait de grenier ou de fenil. Il y a des cours intérieures et les rues permettent le passage des charrettes. La pierre utilisée à la confection des encadrements est un calcaire coquillé, de couleur jaune, gris ou blanc, plus ou moins travaillé.

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1-3 Les anciens Figuerolliens.

D'abord habité par de modestes paysans-jardiniers qui approvisionnaient la ville en produits frais, cet espace a ensuite servi, au début du XIX° siècle, de lieu d accueil aux populations rurales provenant de l’arrière-pays cévenol et lozérien. Cette population travaillait à la vigne et au négoce du vin. Cependant, l épidémie du phylloxera qui ravagea les vignobles de 1875 à 1885 allait tout changer. En effet, de nombreux vignerons, désormais sans travail, partirent ou se dirigèrent vers de nouveaux emplois, notamment dans le commerce, l’artisanat ou la petite industrie. Mélange subtil de ruralité et d urbanité, le quartier enregistre alors un changement dans l’origine des immigrants. A la première vague d exode rural depuis l’arrière pays languedocien succèdent d’abord l’arrivée des premiers gitans, à la fin du XIX° siècle, attirés par l’activité marchande (qui se sédentariseront en 1942, quand le gouvernement de Vichy interdira le nomadisme), puis l’immigration des Espagnols et des Italiens venus travailler dans l agriculture et le bâtiment, ensuite des Espagnols et des Portugais fuyant les régimes fascistes. En 1962, c’est l’arrivée massive des rapatriés d’Algérie, et depuis le début des années 80, les maghrébins impriment leurs marques dans le quartier.

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1-4 Le papou et la papoune .

Les chemins de fer de l’Hérault, ou d’intérêt local, sont présents Figuerolles pendant 60 ans. C’est la gare Chaptal (place Auguste-Fages, Tel 35-96) qui est le terminus de deux voies (Rabieux vers l’Ouest, Mèze vers le Sud-Ouest) qui se sont fusionnées après Celleneuve et dont les rails suivaient l’actuelle avenue de la Liberté. Parti de la place Salengro, le Faubourg Figuerolles s’arrêtait en fait au niveau de l’école maternelle du Docteur Roux d’un côté et jusqu’en face du terrain Gély de l’autre. C’est à partir de là qu’il va s’agrandir. Tout d’abord avec les HBM (habitations à bon marché) : c’est la « Grande Maison », dont le chantier est lancé en 1936, puis la cité d’urgence au dessus du terrain Gély, construite à la suite de l’appel de l’abbé Pierre durant l’hiver 1954 et enfin de la cité Gély à partir de 1960.Le quartier vit alors intensément Par ses commerces, son équipe de foot, ses bars, sa commune libre, sa fanfare (l’étoile Bleue), ses congrégations religieuses : le père Bonnet, puis l’abbé Coursindel, les sœurs de La Sainte Famille à l’Immaculée Conception, le Père Blanc et son patronage à la Maisonnée, les représentations de la Passion qu’il donnait à la salle Familia. Par la cellule du Parti Communiste très active, la boxe avec Annex, le champion gitan, la musique avec le célébre Manitas de Plata, les peillarots, les étameurs, les menuisiers, la fonderie, l’école Pagès, le Papou et la Papoune (surnoms évocateurs du directeur du CES du Terrain Gély - le collège, à l'emplacement de l'actuel gymnase Ramel - et de son énergique épouse, dont le tonitruant "grande tourte" adressé aux polissons que nous étions est gravé à jamais dans les mémoires).

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1-5 L’histoire en marche

Puis, de nombreuses familles quittent progressivement le quartier. Vers La Paillade, mais aussi vers les lotissements et les villages. D’abord des destinations proches, puis de plus en plus lointaines en fonction du prix du terrain à bâtir. Un jeu de chaises musicales avec d’autres populations. Selon l’étude d’Alain Prat (Mappemonde) la communauté arabe qui fréquente le quartier y a une assez faible implantation résidentielle. Les familles se répartissent en ville, dans les cités HLM de La Paillade et du Petit Bard ainsi que dans le centre ancien. Depuis 1980, la concurrence des grandes surfaces a libéré sur le marché une cinquantaine de fonds de commerce vacants, repris peu à peu par les Maghrébins qui les transforment en commerces de biens et de services culturels. Des produits ramenés à bord de véhicules, soit à travers l’Espagne, soit depuis les ports de Sète ou de Marseille et vendus dans un espace de rencontre et d’affirmation identitaire. L’émergence de ces nouveaux lieux efface peu à peu les traces laissées par les anciens, ce qui leur est reproché par les autres communautés, qui oublient peut-être que l’histoire ne s’arrête jamais : de nouveaux regards se portent aujourd’hui sur cet espace, qui n’en finit pas de vivre.

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2- Histoire du faubourg Figuerolles

2-1- Le faubourg.

Figuerolles est un quartier qui fait partie maintenant du centre ville, mais il fut d’abord un faubourg. On sait que faubourg (XIVéme) vient de faux, altération de fors borc (XII)éme : hors (forc) et borc (bourg) –du latin foris (dehors) et burgus (bourg) (Petit Robert). Une dimension historique qui fait appel au passé médiéval de la ville. Au XIIéme siècle : le pouvoir féodale et les bourgeois (Fabre et Lochard, 1992, Montpellier, ville médiévale, Paris : Imprimerie nationale). Dés la fin du XIIéme siècle, un pouvoir féodal accompagne l’essor urbain : un développement commercial s’établit en étroite association avec la seigneurie et les bourgeois. Cette très bonne réussite économique va susciter une croissance démographique (immigration) : la création des faubourgs, la construction d’une nouvelle muraille, le développement des activités artisanales en sont les indices (Fabre et Lochard, 1992, 62). La cité médiévale se caractérise par une enceinte murale qui englobe les quartiers Sainte Croix, Saint Firmin et la Condamine. Les faubourgs extra muros vont s’organiser autour de l’implantation d’ordres religieux et l’émergence de spécialisations professionnelles. Le Lez et son affluent vont jouer un rôle particulier dans cette spécialisation. La Flocaria (1126) comprend des drapiers à l’est de la ville. La Blancaria (1136) : blanquerie (tanneurs) au nord La Vermeilarian (1183) La Fustaria (1196) : les fustiers (bois) à l’est et à l’ouest.

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2-2. La ville consulaire.

En 1204, Montpellier devient une ville consulaire et le restera jusqu’au XIV émesiècle : cela correspond à l’apogée économique de la ville. Un consulat gère les affaires politiques et économiques de la ville : il est composé de 12 prud’hommes qui sont issus des " métiers " (Fabre et Lochard, 1992, 102). La composition du consulat reflète l’oligarchie marchande : les " métiers " majeurs (banquiers, négociants en épices et drapiers) se réservent les Hautes Dignités Municipales. Le dernier siège (le douzième) est celui du métier des laboureurs et représente la population active la plus nombreuse. Durant le XIIIéme siècle, les métiers majeurs vont développer un commerce international : la population va quadrupler et les faubourgs populaires se développer (Fabre et Lochard, 1992, 104). La muraille qui entoure la ville va être agrandie, appelée " clôture commune " dès 1205. Les portes de la clôture montrent les points forts des faubourgs.

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2-3. La construction urbaine

En contrebas de la colline du Peyrou, des dominicains s’installent le long de l’actuel route de Lodève en 1220. A proximité, en 1296, ce sera des dominicaines. A la porte de Saint Guilhem, un hôpital, et dans le même secteur le collège de Valmagne en 1263 (Fabre et Lochard, 1992, 163). Ces établissements sont à proximité des quartiers de la Valfère et Saint Guilhem (intra-muros) qui accueillent des artisans et des laboureurs, populations les moins favorisées qui intéressent les ordres mendiants. Les activités artisanales se précisent : l’industrie du bois se situe au faubourg de Lattes et du Peyrou avec les fustiers. Des activités agricoles se développent et fixent dans les faubourgs les laboureurs et les petits artisans. Le vignoble représentent une part importante de ces activités. Les portalières sont les premières fortifications de ces faubourgs apparues au début du XIIIéme siècle, elles sont complétées au XIVéme par une enceinte plus large protégeant les faubourgs (Fabre et Lochard, 177). Entre 1350 et 1500 : les faubourgs et la ville française Au XIVéme siècle, la ville est rattachée au royaume de France. Cette sujétion progressive de la ville jusque là autonome et puissante va changer ses expressions : c’est le déclin de sa vocation marchande mais elle renforcera peu à peu ses fonctions administratives et intellectuelles. (Fabre et Lochard, 185). C’est une période qui est également caractérisée par la guerre de cent ans (1337-1443), les crises de famine et la peste ((Fabre et Lochard, 194). Guerre et disette ont jeté sur les routes des cohortes de vagabonds. La protection des faubourgs est de plus en plus nécessaire devant la montée des périls (pillage, incursions des ennemis anglais, des routiers et des Grandes Compagnies). Les portalières et palissades sont renforcées mais les faubourgs sont partiellement détruits à plusieurs reprises. Bientôt l’oligarchie municipale va préférer consolider l’enceinte consulaire au détriment des faubourgs : pour des questions stratégiques, l’extra-muros est plus ou moins rasé (couvent, monastère) pour ne pas être exposé aux invasions extérieures. En 1363, il est fait état de la destruction des faubourgs ((Fabre et Lochard, 201). Pendant le XVe siècle, la diminution des corporations et du statut des consuls est importante. La défense urbaine se renforce dans le secteur intra-muros, une orientation intellectuelle et administrative se précise, le pôle universitaire se développe. La catastrophe démographique a particulièrement touché la population démunie des faubourgs : on signale la disparition de la moitié des laboureurs entre 1353 jusqu’à la fin du XVéme (Fabre et Lochard, 216). Les faubourgs ne conservent que très peu d’établissements publics à la fin du XIVe siècle : les habitants restants s’abritent dans les quartiers intra-muros, proches de l’enceinte. (Gérard Cholvy, 1989, Histoire de Montpellier, Paris : Privat)

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2-4. Les conflits religieux.

Une nouvelle élite remplace maintenant l‘oligarchie marchande. Noblesse, officiers du Roi, avocats, notaires, procureurs bourgeois et riches marchands, régents et docteurs en médecine constituent l’élite urbaine (Cholvy, 1989,138). Une hiérarchie se rigidifie également entre les artisans les plus prestigieux et ceux qui le sont le moins : laboureurs et jardiniers font partie du menu peuple et sont nombreux. Des crises économiques provoquent des émeutes dues à la famine. Des conflits religieux apparaissent également : une diffusion des idées de Luther et de Calvin dans différents milieux de la ville (Cholvy, 1989, 147). Les troubles (siège de la ville, pillage) successifs entre réformés et catholiques vont dévaster les faubourgs à plusieurs reprises. En 1600, l’Edit de Nantes pacifiera un temps les relations. (Cholvy, 1989, 154). XVII- XVIIIe : une extension des faubourgs Après une reprise des conflits religieux en 1621 et des attaques militaires, une période de constructions diverses et d’agrandissement urbain va se préciser. Peu à peu, les habitants s’installent dans les faubourgs désertés : des gens modestes, jardiniers, maraîchers, artisans de métiers salissants… Les faubourgs s’allongent et leur rôle s’affirment à la seconde moitié du XVIIéme siècle : les fossés disparaissent et la ville intègre peu à peu les faubourgs. Les notables y possèdent quelques propriétés, des " jardins " aux constructions parfois très belles (le jardin du Professeur Haguenot au chemin de la Merci par exemple).

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2-5. Les protestants à Figuerolles.

A la fin du XVIIéme siècle, les Huguenots sont discrédités et exclus des instances de décision mais des Assemblées sont organisées au Mas de Merle, à l'extrémité du faubourg.
« A partir de 1771, l’Eglise protestante obtient plus de liberté pour l’exercice de son culte. Chaque église eut son pasteur, qui ne craignait plus de dire le nom de son troupeau et de faire connaître le lieu de sa résidence. Le premier pasteur que nous trouvons à Montpellier après cette transformation  porte le nom d’André Bastide, et le lieu de culte où les protestants se réunissent est le Mas de Merle.
Le Mas de Merle, où les protestants tenaient leur assemblée est situé près de Montpellier, à l’extrémité du faubourg Figairolles, au Nord de la route de Pignan, dans un repli de terrain qui le dérobe aux regards. On traversait une petite cour qui donnait accès à un espace formant un parallélogramme peu allongé, clos de murailles. Cet espace, maintenant occupé par un jardin, était alors recouvert d’une pelouse. A l’une des faces latérales (celle du Nord-Ouest) était adossé un hangar élevé qui occupait à peu près le tiers de la longueur. C’est sous ce hangar que la chaire était dressée. Une vaste tente, fixée d’un côté à la toiture et de l’autre à la muraille opposée formait une sorte de toit incliné sur la tête des auditeurs qui prenaient place sur des chaises et des bancs ». (Histoire de l’Eglise Réformée de Montpellier. Philippe Corbière, 1861.)

De 1772 à 1792 l'officiant est le pasteur Jacques-Antoine Rabaut-Pomier, second fils de Paul Rabaut. Mais la révolution est là: elle ne fera pas de différence entre les cultes. Le culte protestant est interdit et les biens du Consistoire mis en vente. Nous retrouvons des traces en 1921, qui sera l'année d'ouverture d'un service d'entraide protestant appelé "L'Espoir". Cette oeuvre comprend un dispensaire, rue Daru et une salle de réunions rue du faubourg Figuerolles. Un docteur en médecine, Mme Atger y reçoit les malades, tandis que dans la salle de réunions on acceuille les jeunes femmes pour des cours de couture, d'alphabétisation. S'ajoutent des activités pour les plus jeunes, les adolescents, autour d'études bibliques et d'évangélisation. En cours d'année 1971, l'oeuvre grandit et s'installe au 1 rue Brueys (entre le cours Gambetta et la rue Dom Vaissette), sous le nom de Centre Social Protestant (CSP).

A noter également, de 1950 à 1970, le travail social de l'Armée du Salut, membre de la Fédération Protestante de France, sous la direction des Officiers : M. et Mme Allemand. Leur salle était située rue Pierre Fermaud (l'actuel square Coursindel).

2-6. De l'artisanat à l'industrie.

Un mas d’Estor de Figairolles est à cette époque signalé dans le secteur : il donnera vraisemblablement son nom au faubourg qui deviendra ensuite Figuerolles. Au cours du XVIIémeI, les activités artisanales et marchandes reprennent ; des activités nouvelles se manifestent : le coton rivalise avec la laine, le tissage remplace la filature ; l’essor de l’industrie de toiles peintes " les indiennes " ; l’affirmation du marché vinicole dans la ville : les échanges sont tournés vers le Bittérois et par le biais de Sète vers la Hollande, la Flandre, le Nord de l'Europe ; le développement de l’industrie chimique. Les industries vont développer une population ouvrière et les faubourgs vont se prolétariser avec l’implantation des divers ateliers dans la ville de Montpellier (Cholvy, 1989, 202). Au nord de Montpellier (actuel Boutonnet), des manufactures de coton. Au sud (Saunerie), des marchands et des procureurs ; à la Paille, construction d’une manufacture de produits chimiques à l’initiative de J. Antoine Chaptal (professeur à la Chaire de Chimie crée en 1780). A l’ouest, des " jardins " et les magasins des apothicaires et des droguistes sont présents et quelques hôtels particuliers vont être construits le long des cours des casernes jusqu’au Peyrou (actuel Gambetta). Les faubourgs se peuplent et se diversifient peu à peu. (Cholvy, 1989, 204)

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2-7. Naissance d'une technopole.

Dès le XIXéme. Montpellier se présente comme un pôle économique, administratif, universitaire et militaire. Le monde des notables et des milieux administratifs et judiciaires se recouvrent largement : les investissements se font de plus en plus en direction de la vigne et du négoce car les structures industrielles se meurent. Une élite de grands propriétaires souvent protestants se forment et font une sélection de plants, des innovations mêlant milieux financiers et scientifiques (Cholvy, 1989, 265). Le milieu du siècle (1840) représente une rupture profonde dans l’économie : le glissement vers une viticulture exportatrice et un secteur artisanal se précisent avec le déclin de l’industrie. De grands travaux se réalisent sur le plan urbanistique : plan d’alignement et de percée hausmanienne dans le centre ; ouverture des lignes de chemins de fer Montpellier/Sète en 1839, Montpellier/Nîmes en 1844. Les transports joueront un rôle décisif dans l’ouverture de nouveaux échanges économiques, même si Béziers et Nîmes sont les plaques tournantes de ces réseaux. Montpellier bénéficie de la prospérité de la monoculture (vigne) : un secteur paraviticole se développe, la ville est un centre connu et lieu de redistribution (Cholvy, 1989,260-261).

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2-8. Figuerolles au XIXéme

Au début du siècle, quelques travaux vont être réalisé dans le faubourg : en 1811, le cours des casernes est aligné. La vie est restée rurale et réglée sur le cycle viticole. Les solidarités entre ruraux et citadins seront durables lors des crises économiques (Cholvy, 1989, 270) ; A la fin du XIXéme siècle, le faubourg Saint Dominique va s’accroître grâce la construction en 1879 du chemin de fer d’intérêt local qui dynamisera à Montpellier trois espaces : - L’esplanade avec la Gare dite de Palavas construite en 1872 qui mène à Palavas rive gauche. - Chaptal où une gare est construite en 1877 sur le lieu dit du "Creux du bœuf " avec un centre de dépot et un atelier. - Celleneuve où il va également y avoir une gare : la ligne relie Près d’Arènes à la gare de l’Esplanade et conduit à Celleneuve. Ce réseau de chemin de fer d’intérêt général sera mis au service du vignoble, Montpellier n’étant pas à cette époque la gare centralisatrice des envois du vin. Son développement à l’ouest permet à Figuerolles de bénéficier de cette dynamique et de développer son secteur artisanal en relation avec la vigne : matériel d’entretien des vignes, tonnellerie, attelage, vente de détail… En 1898, le boulevard Gambetta accueille une ligne de tramway qui permet de le relier au centre ville et d'accélérer son expansion. (Paul Genelot, 1993, La gare à travers le temps, Montpellier Sud Espace). XXéme : Montpellier, capitale administrative 8. Une capitale régionale. La ville s’impose comme capitale régionale : commandement administratif et concentration du secteur tertiaire (Cholvy, 1989, 314). Jusqu’aux années 50, la vie universitaire est à son sommet. Montpellier est une ville bourgeoise dont la classe dominante reste un milieu fermé. La viticulture va décliner après des phases de surproduction : la ville s’appuie sur le commerce et tire profit des rentes foncières et de l’organisation de la production agricole. Malgré des plans d’alignements et les transformations hausmaniennes du siècle dernier (1850-1880), le centre ville reste étriqué. Délimités par les grands boulevards, des secteurs vont s’individualiser. La rue Foch reste majestueuse et détermine un lieu de résidence de la bourgeoisie locale autour des hôtels particuliers du XVIIIéme. Près des boulevards de ceinture, se trouvent les quartiers populaires plus ou moins paupérisés. (Cholvy, 1989, 367). La vitalité des quartiers s’organisent autour de la place de la Comédie, place Saint Denis et de la gare : des activités commerçantes, des bureaux d’affaires, des banques, des activités culturelles (théatre, cinéma) sont en place. La gare bordant la comédie et les cafés avoisinants forment le véritable cœur de ville.

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2-9. Trente quartiers à Montpellier en 1910.

Chaque quartier a ses fêtes annuelles entre mai et octobre qui durent trois jours. Vers 1910, on note une trentaine de quartiers dans la ville qui ont leur fête et organisent des jeux, des danses, des bals, des tombolas. (Cholvy, 331). De la Pompignane à Figuerolles, de Chaptal à la place de Strasbourg, des Abattoirs à Plan Cabanes, de Rondelet à Saint Mathieu… Les faubourgs Figuerolles, Boutonnet, les Abattoirs restent des quartiers populaires, ressemblent beaucoup à des villages : la population reste liée à la terre. C’est par la médiation de ces quartiers que les nouveaux venus continuent à être intégrés : les campagnes de l’Hérault, du Gard, de la Lozère et de l’Aveyron constitue le réservoir principal de la ville. Depuis le XIXéme, ils ont accueilli aussi les Gitans du Roussillon qui circulaient de part et d’autre de la frontière franco-espagnole : il sont marchands maquignons, saltimbanques et fréquentent les foires et les fêtes locales pour leurs activités économiques. Ils vont peu à peu se fixer dans ces quartiers populaires (Boutonnet, puis Figuerolles, Celleneuve), notamment à la suite du décret du 6 avril 1940 interdisant la circulation des nomades pendant les hostilités.

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2-10. Les vies successives.

Italiens et Espagnols représentent au début du siècle les migrations étrangères qui vont s’installer dans les quartiers populaires. Le faubourg Figuerolles est dynamisé par les activités qui règnent sur l’extrémité du boulevard. Le bar des autobus sera le siège des Autobus de l’Hérault en 1911. Jusqu’en 1959, des milliers de cars partiront du cours Gambetta en direction de Clermont l’Hérault, Quissac, Ganges. Le marché au vin du mardi après-midi prendra ensuite la relève et participera à la dynamique du quartier. Des personnalités et des identités diverses ont également marqué les lieux. Le père Bonnet installé à la Chapelle de l’Immaculée Conception, fonde, en 1916, " l’Etoile Bleue ". Sorte d’enfant terrible du Clergé, le Chanoine sera le " curé sauvage " de Figuerolles (Cholvy, 338). On assure que tous respectaient le " personnage " qui fonda un patronage dans le domaine de la paille (rue Croix du capitaine) : des salles de jeux, de réunions, des terrains de sport ainsi qu’un théâtre de 500 places furent aménagés (Midi Libre 2 mars 1996). De 1919 à 1943 : des préparations militaires, sport, musique, colonies de vacances, représentations théâtrales ont lieu. De 1945 à 1960 : chaque année, 80 jeunes de 12 à 16 ans partent dans les Pyrénées ; une fanfare allant de succès en succès animaient kermesses et fêtes de la région. En 1952, on lui retire ses terrains de sport, son théâtre et la salle de répétition et seule la fanfare restera. Par la suite, l‘Abbé Coursindel s’occupera de la clique qui s’installera dans l’Eglise de Notre Dame de la Paix avant d’aller au gymnase des Arceaux et à la Paillade. Le déclin des activités sociales et culturelles de l’Etoile Bleue sera compensé par la Commune Libre de Figuerolles. Crée en 1948 jusqu’en 1962, elle verra passer trois " maires " : il s’agit d’une " municipalité " composée par plus de 200 inscrits, qui avait son " maire " et ses 18 " conseillers " élus au suffrage universel. Le Bar de la Commune Libre à Figuerolles servait de siège à l’association. La solidarité allait en direction des personnes âgées (repas de Noël, cadeaux à Pâques), pour les nécessiteux (charbon), pour les enfants (arbre de Noël), pour les militaires (mandats). L’association s’arrêtera avec la suppression des subventions municipales officielles, Boulet et Zucharelli étant les derniers maires ayant soutenu l’expérience. (Journal de Figuerolles, n° 6 juin 96).

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2-11. Les transformations.

Après les années 60 : une dynamique démographique détachera Montpellier de Béziers. Des transformations économiques marquent la région : la réduction de l’agriculture, le développement du tertiaire, l’aménagement du littoral, le développement du tourisme. De nouveau, les mouvements de migration se manifestent dès les années 60 : de l’Algérie (les Rapatriés d’abord), du Portugal, du Maroc, de Tunisie et aussi de Turquie, d’Afrique, d’Asie. Le développement de l’agglomération se fait selon une fonctionnalité très sélective de l’espace (Cholvy, 382). Au nord : des infrastructures hospitalo-universitaire, résidences de standing. Au sud : développement de zone industrielle et commerciale, des cités populaires en grands ensemble ou pavillons. A l’ouest : la Paillade et ses 4000 logements, banlieue résidentielle mal desservie et mal équipée. Une dissymétrie entre un centre ville étroit et une périphérie de plus en plus large. C’est une période où l’écusson (entre 1954 et 1975) perd la moitié de la population. Les quartiers populaires perdent également peu à peu leur personnalité : Saint Anne, Saint Roch, Valfère montrent des immeubles dégradés et inconfortables (souvent réservés aux travailleurs immigrés) ; l ’abandon de ces quartiers est fait par les populations ouvrières, relogées en HLM de la ZUP et par les petits commerçants et artisans modestes. Une reconquête par contre par les catégories sociales aisées et les commerces de luxe va se faire : bâtiments publics, magasins, façades sont ravalés ou reconstruits. Candole et Saint Ursule maintiennent une vie de quartier mais repliée, mal reliée à la ville de luxe, des apparences (Cholvy, 390).

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2-12. Nouveau visage.

Figuerolles a perdu sa spécificité économique avec le déclin de la viticulture : seuls quelques marchands de vin et un pan de vignes subsistent (Alain Prat, Grégau n°8, 28). Les commerces de proximité et le marché quotidien vont principalement maintenir la vie économique du quartier. En 1962, 209 Gitans vivent dans le quartier et vont lui donner leur identité (Cholvy, 415). La cité Zucharelli puis la Cité Gély construite dans les années 60 sont peu à peu habitées par de nouvelles familles gitanes et prolongent ainsi l’identité du quartier. C’est dans les années 60 que les premières boucheries hallal ouvrent dans le quartier ; puis les petits commerces et artisans en déclin dans les années 80 vont peu à peu laisser la place à des commerçants algériens, tunisiens, marocains, égyptiens mais aussi africains, turcs et asiatiques. C’est ainsi que le marché quotidien et un grand nombre de boutiques à tonalité orientale vont bientôt façonner le quartier : il est devenu un lieu centripète pour ces populations qui résident dans la ville, avec une fonction d’approvisionnement, une valeur nourricière car il donne accès à la cuisine d’origine mais aussi à une dimension symbolique, culturelle car il ouvre aux formes festives et communielles qui caractérisent ces populations : les pratiques alimentaires, culinaires en réintroduisant les codes coutumiers et religieux disent une parenté, une origine. Mais c’est aussi un lieu gastronomique pour les populations environnantes qui peuvent goûter ainsi une cuisine exotique et faire l’expérience de la rencontre de l’Autre.

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2-13. Artistes et bobos.

Une dernière population marque également le quartier : jeunes gens, couples de professions libérales, artistes, chômeurs, étudiants investissent nouvellement les lieux, expriment une haute visibilité par le biais de la musique, de la peinture, de la danse, du théâtre dans les espaces plus ou moins formels du quartier. Des arguments culturels qui font face, se confrontent à la culture des commerçants avoisinants hautement visibles eux aussi par leurs manières d’occuper, d’habiter l’espace public. Ainsi Gély, Figuerolles, Plan Cabanes forment trois identités au cœur de ce quartier populaire aux limites ni fixes, ni précises mais au contraire en transformation constante, traduisant les mouvements et les besoins des populations. Il expose les formes de vie différenciées des groupes de populations qui partagent cet espace et signifient ainsi leur co-présence et leur reconnaissance au quotidien dans des relations de voisinage et autour de la vie commerçante du quartier.

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2-14. Bibliographie

Cholvy Gérard (sous direction) 1989, Histoire de Montpellier, Toulouse : Privat Fabre Ghislaine et Lochard Thierry, 1992, Montpellier, ville médiévale, tome 3, Paris : Imprimerie nationale Faure Pascale 1998, Un quartier de Montpellier : Plan Cabanes, Paris : Harmattan Genelot Paul 1993, La gare à travers le temps, Montpellier Sud Espace Midi Libre 1996, 2 mars Jolivet Robert, 1988, Montpellier au passé recomposé, Dehan Journal de Figuerolles 1996, n°6, juin Prat Alain 1994, Montpellier, le Plan Cabane, Recherche n°8, Montpellier : Gregau

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mél : thierry.arcaix@wanadoo.fr ; tél : 06 23 10 62 21